28 juil. 2010

Naissances poétiques / Nacimientos poéticos

Sur le thème “naître” voici deux poèmes, totalement différents.
Sobre el tema « nacer » he aquí dos poemas, totalmente distintos.
Le premier est de la Paraguayenne et contemporaine Lourdes Espínola.
Peu de mots, un message clair et fort.
El primero es de la Paraguaya y contemporánea Lourdes Espínola
Pocas palabras, un mensaje claro y fuerte.

Nacer Mujer

La alternativa:
Saltar del balcón; despedazarlo.
Faldas, abanico, hilo, aguja:
me desnudo y rebelo.
¡Basta de mirar la vida
desde este balcón!
Cárcel semicircular
tímpano sordo, sorda boca
grito y digo
del solitario oficio de escribir.
Manuscrito de internas visiones
espejos de mujer abriéndose.
Nazco
rompiendo venenosos manantiales
(L. Espínola)

Naître femme

L’alternative:
Sauter du balcon; le déchiqueter.
Jupes, éventail, fil, aiguille :
je me dénude et rebelle.
Fini de regarder la vie
du balcon !
Prison semi-circulaire
tympan sourd, sourde bouche
je crie et dis
du solitaire travail d’écrire.
Manuscrit de visions internes
miroirs de femme s’ouvrant.
Je nais
brisant de venimeuses sources. (trad. Colo)
Peinture:Goya

Le second est nostalgique ; retrouver l’enfance perdue et ses douceurs est le sujet de ce poème, pas fort connu, d’Antonio Machado (1875-1939). Si vous connaissez peu et/ou mal l’homme, sa vie, ses mots, prenez le temps de lire ceci.
El segundo es nostálgico; volver a encontrar la infancia perdida y sus dulzuras es el tema de ese poema, poco conocido, de Antonio Machado.

Renacimiento

Galerías del alma... ¡El alma niña!
Su clara luz risueña;
y la pequeña historia,y la alegría de la vida nueva...
¡Ah, volver a nacer, y andar camino,
ya recobrada la perdida senda!
Y volver a sentir en nuestra mano
aquel latido de la mano buena
de nuestra madre... Y caminar en sueños
por amor de la mano que nos lleva.

En nuestras almas todo
por misteriosa mano se gobierna.
Incomprensibles, mudas,
nada sabemos de las almas nuestras.
Las más hondas palabras
del sabio nos enseñan
lo que el silbar del viento cuando sopla
o el sonar de las aguas cuando ruedan. (A. Machado)


Renaissance

Galeries de l’âme…L’âme, ma fille!
Sa claire lumière souriante;
et la petite histoire
et la joie de la vie nouvelle…
Ah, renaître et faire du chemin
le sentier perdu enfin retrouvé !
Et à nouveau sentir dans notre main
le battement de la bonne main
de notre mère…Et marcher en rêve
par amour de la main qui nous mène.

Tout dans nos âmes
par une main mystérieuse est gouverné.
Incompréhensibles, muettes,
nous ne savons rien de nos âmes.
Les plus profondes paroles
du sage nous enseignent
ce que dit le sifflement du vent quand il souffle
ou le murmure de l’eau quand elle roule.
(Trad. Colo)

14 commentaires:

  1. Et bien, on peut dire que tes poussins t'inspirent de bien belles lectures à nous faire partager: entre le rythme syncopé et les images rudes d'Espinola et la caresse des vers de Machado, on est bercé pour toute la soirée. Superbe traduction comme d'hab! Merci Colo-

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  2. quel beau poème, Renaissance. Bravo et merci, colo!

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  3. Les mains qui ont gouverné les deux femmes étaient bien différentes. Je préfère le second.

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  4. -Delphine, je ris mais tu as raison, quand je tiens un sujet, je ressemble à un chien avec son os! Toi qui le connais bien, Machado est superbe dans sa simplicité. Belle journée.

    -Damien, contente de te retrouver...poétiquement.
    Oui, Renaissance fait du bien à ces inconnues que sont nos âmes.

    -Ren, que murmure l'eau quand elle roule? Ah, ça fait rêver!

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  5. on peut naître ou renaître à tout âge...c'est presque réconfortant...magie de la poésie...

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  6. -Sable, j'ai vu (re)naître un homme de près de 80 ans; une histoire d'amour avec tous les ingrédients de l'amour fou...
    Rassurant, non? Amicalement.

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  7. J'aime énormément ce deuxième poème de Machado, décidément il faut que je me trouve un recueil traduit de ses poèmes car tu me fais découvrir des merveilles

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  8. Cri pour le premier et mélancolie pour le deuxième... ces poèmes se complètent.
    Cependant, une question me vient : qui est vraiment dans la prison ? Voilà pour le sens.
    Quant à la musique, il faut les réciter à voix haute pour en apprécier toute la beauté.
    Merci Colo pour ce moment de détente, merci pour la traduction, les illustrations et le lien très intéressant sur Machado.

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  9. -Dominique, tu devrais trouver ça sans problème. Machado est un de mes préférés, l'homme et le poète.

    -MH, dans la prison...c'est celui qui pense y être, qui en a l'impression, non?
    Sais-tu que quand je traduis des poèmes, d'abord j'y passe beaucoup de temps mais que la phase finale consiste en plusieurs lectures à voix haute...suivies d'une danse des mots pour obtenir une jolie sonorité. Mais tu l'avais deviné bien sûr! Merci à toi, un beso.

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  10. Merveilleuse(s) et touchante(s) découverte(s) de deux auteurs qui m'étaient inconnus. Eh oui, il y a tellement des choses qui me sont inconnus... J'ai eu l'occasion de les lire d'abord en espagnol et, félicitations pour la magnifique traduction.
    A bientôt.

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  11. Magnifiques poèmes ! Je les trouve tous les deux merveilleux même si le premier est plus douloureux car il exprime, autant que le second, un sentiment vrai. Et les images qui les illustrent semblent avoir été réalisées spécialement pour eux. Merci colo de nous permettre de les comprendre ! N'empêche qu'une chose me tracasse : pourquoi "manuscrit" de visions internes (dans le premier poème) ? C'est certainement une question stupide mais tant pis, je la pose.

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  12. - Armando, merci. Je vois que vous aimez et connaissez plusieurs langues, magnifique, c'est aussi une de mes passions, mais je ne connais pas le portugais, hélas.
    Il y a tant de choses que tous nous ignorons...de là un des plaisirs de lire les blogs jusqu'à 120 ans -:) ¡Hasta pronto!

    -Euterpe, oh, la question n'a rien de stupide et je me la pose encore. J'en avais discuté autour de moi avant de publier ce billet et la seule idée qui avait surgi est la possible écriture à la main (des journaux intimes, lettres?) par des femmes et à travers les siècles de leurs sentiments, colères, amours. Mais c'est juste une hypothèse...Merci d'être passée et bon weekend.

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  13. "Renaissance", un poème qui me parle, la tête et les jambes encore pleines du plaisir et de l'effort sur les sentiers de montagne. L'autre interpelle, je le relirai.

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  14. -Tania, ah, tu as travaillé dur pour rattraper ton "petit" retard de vacances,jiji, merci! Ce poème de Machado semble parler à plein de gens...Besos.

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